Un nouveau départ pour les « accidentés » de la vie

Les Résidences d’Accueil d’Assier et de Cahors sont des endroits à part au sein de l’ICM, à mi-chemin entre maison de relais et pension de famille. Elles accueillent des “accidentés de la vie” pour leur réapprendre à vivre en collectivité. Immersion au cœur de la résidence d’Assier pour en savoir un petit peu plus, alors qu’elles vont bientôt fêter leurs 10 ans d’existence. 

« Oh là là, j’ai rien préparé, » s’excuse Jean-Claude, en se dandinant, un peu gêné, avant de se lancer. « C’est convivial ici. C’est un abri. » Jean-Claude a 72 ans. Retraité, il vit depuis plus de sept ans à la résidence d’accueil d’Assier, avec neuf autres locataires.
Rasé de frais et le regard vif malgré son âge, il se trouve « bien » à la résidence. « Je fais de l’ordinateur, je suis les infos, de temps en temps je viens fumer ma clope ici, je suis sur Twitter. Il y a une vie sociale, explique-t-il. J’aimerais pas vivre tout seul en appartement sans vie sociale. » 

La résidence, qui ressemble à un pavillon ordinaire, se fond dans le paysage. Au premier abord, difficile d’imaginer que cette grande maison accueille une dizaine « d’accidentés de la vie » venus ici pour retrouver un début de vie normale après une rupture profonde. Les gens qui vivent ici ont connus des parcours difficiles. Ces résidents, qui soufrent d’isolement social, doivent d’abord être suivis et stabilisés pour intégrer la résidence.

« On recrée des habitudes pour des personnes qui ont déjà vécu des situations difficiles et qui ont besoin d’un cadre, d’un environnement sécurisant, rassurant, » explique Christelle Boudou, coordinatrice de la résidence d’accueil d’Assier, la structure jumelle de celle de Cahors dont s’occupe sa collègue Aurélie Delpon. L’alchimie saute aux yeux entre les deux femmes, qui ont tendance à finir les phrases de l’autre pour décrire les résidences dont elles s’occupent.

La résidence accueille ceux qui ont besoin d’apprendre ou de réapprendre à vivre en logement autonome, nous explique Aurélie Delpon. « C’est un tremplin pour repartir vers un logement autonome, et savoir qui solliciter à quel moment, explique-t-elle.  Ici, on apprend à vivre. »

Logements accessibles

Les locataires de la résidence – car ils paient un loyer, même bas – vivent pour la grande majorité de minimas sociaux. Les résidences sont subventionnées par l’Etat, à hauteur de 19 euros par jour et par résident. Entre Cahors et Assier, elles accueillent 20 résidents, qui ont un statut de locataires. Ils ont leur propre chambre, des espaces semi-meublés d’environ 20 m2, neutre mais fonctionnels.
Un écho subsiste dans une des chambres vides, prête à accueillir son prochain locataire. Tout y est pour recommencer à se reconstruire. Les locataires vivent dans un établissement semi-collectif qui implique un lien social et certaines responsabilités, dont un loyer à payer et un règlement à respecter. « On est aussi là pour leur réapprendre à vivre avec les normes sociales, » explique Christelle Boudou.

Les locataires doivent payer environ 460 euros de loyer à Cahors et un peu moins, entre 315 euros et 440 euros, à Assier. Ils paient souvent leur loyer grâce à leur minimas sociaux. Certains touchent l’allocation adulte handicapé, qui s’élève à environ 1016 euros, et d’autre grâce à leur pension d’invalidité. Ils reçoivent aussi des aides aux logements, dont l’APL, qui s’élève 270 et 370 euros, perçue directement par l’ICM pour éviter les impayés — ce qui n’empêche pas les locataires de payer leur quote-part, d’environ 80 euros de leur poche pour Cahors.

Vivre en collectivité

Mais les résidences d’accueil sont bien plus que des logements à loyer modéré. Celles et ceux qui vivent ici doivent réapprendre des habitudes, des routines de vie pour leur permettre de revenir vers la société. Et celles-ci passent par une gestion collective du logement, comme les plannings de ménage ou les conseils de résidence. « On travaille ce vivre-ensemble comme on peut, » admet Christelle Boudou. « Mais il y a une certaine tolérance et un respect malgré les différences de génération,” ajoute-t-elle.
La résidence contient plusieurs salles communes, dont une grande cuisine qui fait office de salle à manger. La pièce est spacieuse, aux couleurs chaudes. Quelques dessins sont accrochés au mur et une odeur de café froid flotte un peu dans l’air. La lumière y est douce malgré le temps maussade. Dans les couloirs, de grands panneaux peints à la main entourent le planning, où des post-its rappellent les activités de la semaine, en guise d’ancrage dans la durée.

Un peu plus loin, un salon de fortune fait de pièces de récupération prend plus ou moins forme. « Un des critères de sélection, ici, c’est la bricole, » sourit Christelle Boudou. Un jeu de fléchette au mur, un ordinateur, quelques fauteuils, un écran et des livres. L’espace appartient aux résidents. Au chat de la résidence aussi, dont seul un bol de croquettes entamées trahit la présence. « On accepte les animaux, c’est apaisant pour les résidents, » explique la coordinatrice.

« C’est une bonne étape avant de trouver un vrai logement »

Un critère de sélection crucial pour un des résidents, Mathias. Son chat ronronne dans sa chambre, et au vu des poils sur sa polaire, c’est un compagnon fidèle. « J’ai pu rapatrier mon chat, c’est thérapeutique pour moi et c’est sympa de vivre avec son animal sans que ça ne pose pose problème à la communité, » dit le grand brin, un peu dégingandé, aux joues creusées. Sa voix est lente mais douce, comme s’il pesait chaque mot. « Ici, c’est plus un lieu de vie qu’un lieu de soin, » dit-il. Mathias vient d’arriver, il est là depuis une semaine, mais se sent déjà à sa place.

Dans le meilleur des cas, les résidents sortent de l’établissement pour avoir un  logement autonome. « Certains peuvent rester ici jusqu’à la fin de leur jour », ajoute Christelle Boudou. « C’est une bonne étape avant de retrouver un vrai logement, » ajoute Mathias, « un endroit où on puisse vivre notre vie dans les meilleures conditions, » dit-il en insistant sur l’importance de la vie en communauté.

Une participation cruciale, car « sinon, ils se laisseraient porter, » ajoute Aurélie Delpon. « D’abord, on va évaluer leurs connaissances et leurs compétences, et puis travailler sur ces habitudes de vie, » précise Christelle Boudou. Les coordinatrices travaillent en lien étroit avec les assistantes sociales et les associations de la région pour recréer du lien social à l’extérieur. Quand les résidents arrivent, ils ont parfois perdu beaucoup d’autonomie, un concept flottant entre le sanitaire et le social. La définition de l’autonomie dans une chambre d’hôpital peut se résumer à manger ou se laver seul, ce qui ne suffit pas dans le monde extérieur où les résidents doivent apprendre à faire leurs courses, retirer de l’argent ou communiquer à un guichet.

Les deux femmes sont là pour aider les résidents dans leurs tâches quotidiennes mais leurs laissent le plus de champ libre possible. Malgré tout, certains rendez-vous collectifs sont obligatoires, comme les repas et le petit-déjeuner du lundi matin par exemple. « Ça nous permet de voir leur tête après le week-end, s’ils vont bien, s’ils ont bonne mine, mais aussi de prévoir les temps à mettre en place sur la semaine », explique Christelle Boudou.

Le week-end reste un temps « seul » que les résidents, en autonomie complète, doivent se réapproprier, ajoute Aurélie Delpon. « Mais c’est la vraie vie, aussi. »

Une admission à petit pas

 L’entrée en résidence d’accueil se fait en plusieurs étapes. Les coordinatrices sont généralement contactées par un référent social, comme des assistantes sociales ou des aides-soignants, « d’abord pour faire une première visite et voir concrètement ce que c’est, » d’après Christelle Boudou. « Cette visite permet d’échanger avec le futur résident, de rencontrer ceux qui vivent dans la résidence pour voir si ça lui convient ». Si le candidat est intéressé, c’est mieux s’il fait la démarche de rappeler la structure, disent-elles, même si c’est souvent le référent qui s’en occupe.

L’étape suivante ? Un temps collectif partagé, comme un repas par exemple, qui permet au futur locataire d’échanger avec la communauté. Un débriefing avec la coordinatrice s’ensuit et, si le dossier est accepté par le Service Intégré Accueil Orientation (SIAO), le locataire peut prendre ses quartiers.  Cette partie-là est la plus incertaine. Les critères changent constamment, et le SIAO refuse parfois des locataires que les coordinatrices avaient approuvé, ce qui peut créer une incompréhension, voire du ressentiment chez le candidat. « C’est un problème, ça remet en cause le travail de confiance en amont, » regrette Christelle Boudou.

Un public qui change

 Les résidences n’ont pas de limite d’âges — à part le fait que les locataires doivent être majeurs —, mais l’équipe fait aussi face à un public qui change en milieu urbain, ce qui dénote une vraie fracture sociale. Le public est « beaucoup plus abîmé », décrit Christelle Boudou. De plus en plus de femmes et de jeunes, autour de la vingtaine, se portent candidats pour intégrer la structure.  Les locataires sont de plus en plus jeunes à Cahors, assure Aurélie Delpon, « et c’est inquiétant ». « J’ai quelqu’un qui a une vingtaine d’années et un parcours chaotique. On se demande où sera cette jeune dans 3,4, 5 ans ”, explique-t-elle.
La résidence de Cahors n’a pas de plaque ICM pour éviter que les dealers ne viennent traîner autour à la recherche de proies vulnérables. Les plus jeunes ont une tendance à l’addiction, dit-elle, un cocktail explosif en cas de trouble psychologique et de traitement. « On essaie de leur apprendre à être adulte, mais notre travail change en fonction de ces problématiques. » Selon elle, la crise du COVID-19 a tout changé dans le milieu du social. La précarité qu’elle a engendré, associée aux problèmes de factures liés à l’inflation, est une bombe à retardement. « Le mois de décembre va être terrible avec les expulsions, prédit-elle. On va tout droit vers une catastrophe sociale.« 

« On est parfois démunies »

 La question des difficultés fait naître un sourire ironique. « Vous avez la journée ? » demande Aurélie Delpon. En premier lieu, la communication autour du soin.

Le secret médical qui entoure certains résidents empêche les coordinatrices de bien cerner le problème quand un résident décompense. « C’est parfois compliqué de parler avec des médecins lorsque le vocabulaire des coordinatrices et des soignants ne correspondent pas », avouent-elles. « On ne se sent pas légitimes quand on signale des situations inquiétantes, » s’accordent à dire les coordinatrices, pointant un seuil d’urgence plus élevé dans le sanitaire que dans le social.

Les crises sont d’autant plus difficiles à gérer dans une communauté, où l’état délirant d’un locataire peut perturber les autres, quand il ne se coupe pas entièrement du groupe et cesse de prendre soin de lui-même. « On n’arrive pas à se comprendre et à se faire comprendre, disent-elles. On est un peu démunies. »

Le manque de psychiatres se fait aussi sentir, et leur remplacement continuel n’aide pas à créer un lien de confiance abouti avec certains résidents qui doivent répéter plusieurs fois une histoire douloureuse — quand ils ne doivent pas attendre trois mois pour voir un spécialiste. « On pallie au quotidien, mais on est seules dans l’établissement, » explique Christelle Boudou. « C’est un double isolement, » admet-elle.

Parole de résidents

Au cœur du Querçus. A côté d’une chênaie, ce trouve une charmante résidence de dix ans d’âge accueillant 9 résidents avec une capacité de 10 logements individuels. On y retrouve quelques 4 pattes (Une chienne et deux chats).
Cette structure est située dans un cadre calme et verdoyant, dans le village d’Assier. Non loin, à quelques lieux de là, ce trouve le château et l’église Saint Pierre édifiés par Galiot de Genouillac ainsi que des commerces de proximité.

A quelques lieux de là, un petit ruisseau alimente des étangs, à la sortie du village. Revenons à nos moutons. Que faisons-nous à la Résidence des Causses de Quercy ? Très bonne question ! Nous allons donc vous raconter notre quotidien en quelques mots. On y vit une vie paisible, chacun à son rythme. On échange, on se prend le bec, on pleure et on rit. Mais pas que …
Un véritable cocon rythmé d’activités (repas, randonnée, créations et bricolage, jeux de fléchettes…) et de temps collectifs où se mêle un jolie pêle-mêle de mots croisés. On s’y repose aussi !!! Tout cela, orchestrée par une coordinatrice dynamique, qui a tant de mérite. Elle nous écoute, nous conseille afin d’optimiser autonomie et liens sociaux.