L’équithérapie de l’ICM, un soin à part entière

Dans le cadre du parcours de soin des patients, l’équipe d’équithérapie de l’Institut Camille Miret propose une approche unique au sein d’un établissement psychiatrique : Le cheval comme outil thérapeutique pour apaiser les souffrances des patients et les aider à s’en sortir.

La vision paraît un peu irréelle dans la brume matinale. En voyant les chevaux s’ébrouer en haut de la colline qui surplombe l’hôpital Jean-Pierre Falret, on oublierait presque les murs de l’institut Camille Miret en contrebas.

Le centre d’équithérapie de Leyme est un lieu unique. C’est le seul qui fait partie intégrante d’un institut psychiatrique en France, et c’est un service à part entière.

« On accueille des personnes en souffrance et on les accompagne, » explique Laure Moulin, une de nos deux équithérapeutes avec Eve Marie Jamin.

Entre les pathologies dépressives, la schizophrénie, déficience intellectuelle et les addictions, le service accueille tous types de patients, des adolescents aux personnes âgées, avec le cheval comme moyen thérapeutique de guérison.

« C’est un lieu un peu moins médicalisé, mais on fait quand même du soin, » explique-t-elle. « C’est une prise en charge psychocorporelle, et on a une prescription des médecins-psychiatres. »

Loin d’une approche empirique, le rapport au cheval fait partie d’un parcours pensé en amont avec les équipes médicales, insiste Laure Moulin.

« On se sert du cheval comme média pour travailler des objectifs vus au sein des équipes de l’établissement, » dit-elle. « L’équipe médicale nous envoie des patients qui ont des objectifs sur lesquels évoluer, et avec notre œil d’équithérapeute, on voit ce qu’on peut travailler avec le cheval. »

Une méthode scientifique

Grâce à sept équidés qui broutent paisiblement dans les vastes enclos du parc, dont la plupart sont des juments — à part pour Gringo l’âne —  le service peut prendre en charge entre 30 et 40 patients par semaine. La sellerie, ordonnée par code couleurs pour permettre aux patients de se repérer facilement, fait aussi office de lieu de vie avant chaque séance pour faire le point. Les séances durent généralement une heure maximum, « car certains patients se fatiguent vite. »

« ll y a un vrai savoir-faire derrière l’équithérapie, » tient à préciser Laure Moulin, qui se décrit avant tout comme soignante, après une licence professionnelle accompagnement d’autisme.

« Nous avons un cursus médico-sanitaire avant d’accéder à l’équithérapie. Nous sommes soignants d’abord,” dit-elle, avant de nuancer en prenant le cas d’Émilie Asfaux, auxiliaire équithérapeute, qui a commencé à l’accueil à l’ICM et qui, grâce à son parcours, connaît tous les services. Le nombre réduit de séances dues aux hospitalisations courtes peut parfois être compliqué pour mettre en place une thérapie de long terme, mais les bénéfices à court terme sont “énormes.”

« Entre la confiance en soi, l’estime de soi, l’image du corps, le travail sur l’émotionnel et la concentration sur une tâche donnée, c’est une prise en charge globale, » explique Laure Moulin.

Par exemple, certains patients autistes peuvent avoir besoin de travailler sur leur relation à l’autre. Le cheval sert d’outil pour comprendre cette relation et aider l’équithérapeute à adapter la séance selon les troubles sensoriels de la personne.

Le cheval, miroir de l’âme

Près de la vaste grange qui sent bon le foin fraîchement coupé et les souvenirs d’été, un manège couvert et un paddock se tiennent prêts à accueillir patients et chevaux. Pour le moment, les chevaux somnolent dans les prés avoisinants, profitant d’un moment de répit avant leurs prochains exercices. Ils « vivent leur vie de cheval, » dit Laure. Les juments sont surtout entraînées à rester immobile près des montoirs pour permettre aux patients d’explorer au mieux leur propre psyché. « Il n’y pas pas besoin de beaucoup travailler un cheval pour qu’il se sente apaisé, nous confie Laure, mais c’est essentiel que les juments n’aient pas beaucoup de séances parce que certaines peuvent être dures pour elles. »Cette notion d’apaisement est cruciale auprès de certains patients qui peuvent parfois avoir des angoisses que les chevaux ressentent très facilement.

« Quand une personne dissocie en séance, une jument va se tourner vers elle et regarder ce qui se passe, raconte Laure Moulin. Une des juments va se mettre systématiquement en “off” quand un patient est agité pour le poser et le stabiliser. »

Un grand miroir est accroché aux barrières du manège. Chez certains patients, se voir à cheval peut stimuler l’image et l’estime de soi, explique-t-elle. « C’est une image impressionnante, d’être en hauteur sur un cheval. » Néanmoins, le miroir peut aussi être couvert pour les patients qui ne supportent pas leur image — encore un indice et une piste de travail pour l’équipe médicale qui prendra en charge le patient de retour d’équithérapie.

L’équipe du service s’adapte avant tout au patient, à travers certaines routines comme le pansage des chevaux et la façon dont les patients l’appréhende — le Temps d’Activité Valorisé Avec le Cheval ou TAVAC, comme l’appelle Laure Moulin et qui est une des missions d’Emilie  tout comme l’ensemble de la logistique du centre. Certaines personnes ne demandent que ça, mais il faut une certaine stabilisation, explique-t-elle. « C’est intéressant de voir comment la personne se débrouille d’elle-même, dit-elle. Tout peut servir d’outil pour évaluer la personne. »

L’ICM à dos de poney

Mais le centre d’équithérapie ne s’occupe pas seulement des patients. Exceptionnellement, l’équipe a récemment reçu une vingtaine d’enfants du centre aéré de Leyme pour leur faire découvrir l’institut autrement au cours d’une balade en calèche à travers l’hôpital. Tous âges mélangés, entre 3 et 11 ans, ils ont d’abord passé la matinée pluvieuse entre le manège, le paddock et les box à s’occuper des juments — dont certaines sont reparties avec des tresses. Le tout avant de les faire courir en rond dans le manège sous les encouragements bruyants du groupe, pour « leur donner de l’énergie, » d’après Laure Moulin.

L’enthousiasme débordant des enfants pour les chevaux n’est pas retombé de la journée.  « La journée était hyper cool, on a nettoyé les box, après on a fait un parcours avec les chevaux, » nous a raconté Léopold, 8 ans et demi. « Et après on a brossé deux chevaux, Capucine, celle qui est blanche et marron, et Noisette, qui est blanche, et on leur a fait des massages. » « Et on a donné a manger et le goûter, » a bruyamment renchéri un des palefreniers en herbe.

Une sortie bienvenue pour les enfants, d’après Estelle, 23 ans, une des trois animatrices du centre aéré, venue accompagner les enfants pour cette première journée au contact des chevaux de Leyme. « C’est l’occasion de les sensibiliser à la cause animale, » a-t-elle dit. Et ils découvrent l’équithérapie, ça leur permet de comprendre que des gens malades peuvent être soignés par le cheval.« 

En attendant, la priorité des enfants restait de savoir à qui serait le tour de grimper sur la calèche rutilante attelée à Gringo, l’âne, qui traversait le jardin anglais de Camille Miret à un pas tranquille malgré les sollicitations des bambins.

« Je peux le ramener à la maison ? Moi j’ai des pommes pour lui, » a supplié un des enfants. 

Gringo a du rester à Leyme pour cette fois, mais les enfants sont repartis des images plein la tête et, peut-être, en lieu des murs de l’Institut Camille Miret, celle d’un jardin anglais brillant sous le soleil.