La Transhumance du Lot, l’inclusion dans la tradition

Une vingtaine de résidents et de patients de différentes unités de l’Institut Camille Miret se sont joints à la transhumance des fameuses brebis caussenardes à lunettes noires, mardi 16 avril, pour un périple de plusieurs kilomètres entre Rocamadour et Luzech. L’occasion de s’ouvrir au monde et à la nature pour les patients venus redécouvrir les paysages majestueux du Lot le temps d’une randonnée traditionnelle.

Dans l’ombre de Rocamadour, une foule de bergers d’une semaine s’était massée pour l’ouverture de la Transhumance du Lot, mardi 16 avril, pour suivre l’odyssée des brebis à travers la vallée lotoise. Les randonneurs s’étaient donné le mot : Bérets et bâtons de marche étaient de mise pour ce périple d’une semaine par monts et par vaux sur les traces des traditions lotoises.

Et les marcheurs, venus de toute la région, cachaient mal leur impatience de voir arriver le troupeau de plusieurs centaines de têtes, annoncées de loin sur les chemins de terre par les sifflements des bergers et les aboiements des chiens.
Pour un des bénévoles, béret noir vissé sur la tête et muni d’un accent à couper au couteau, la transhumance a toujours représenté plus qu’une coutume locale.

“Pour nous, les gens de la vallée, rien de tel que les brebis pour nettoyer les forêts,” a-t-il, expliqué.

Depuis des années, le passage annuel des troupeaux de brebis a permis de couper l’herbe et d’éviter les incendies de feu de broussailles l’été, une façon de réconcilier écologie et tradition locale.

“Ça fait 15 ans que je fais cette transhumance, je le fais tous les ans et je continue,” a-t-il ajouté avec un grand sourire. “L’aventure est belle.”

Un rendez-vous devenu annuel aussi pour les résidents du Foyer de Vie « La Passerelle » de l’Institut Camille Miret, qui trépignaient à l’idée de partir à la suite du troupeau sur les chemins lotois. Une dizaine de résidents, accompagnés de quatre éducateurs et animateurs, étaient venus faire les 70 kilomètres de marche en suivant le troupeau de brebis à l’assaut des broussailles.

« Ça fait quasiment depuis huit ans qu’on fait la transhumance,” a expliqué Pauline Barrault, animatrice Créa Déco du Foyer de Vie.
« Quand on marche tous ensemble, des liens se créent avec les autres randonneurs au fur et à mesure de la semaine, et au fur et à mesure des années. »

La transhumance a longtemps été l’occasion pour les résidents du foyer de se mêler à la foule des randonneurs pour y retrouver des repères, dans une atmosphère bienveillante et inclusive.

« C’est bien pour eux qu’ils rencontrent d’autres personnes, » a-t-elle déclaré. « Il ont l’habitude de voir certaines têtes et reconnaissent les gens. »

D’autres patients venus de Leyme, de Unité de Psychopathologie des Conduites Addictives (UPCA),  de l’unité de soins prolongés (USP) pour les personnes ayant besoin d’une prise en charge de longue durée, ainsi que des adultes en détresse psychologique ou psychiatrique de l’Hospy O2, étaient du périple.

DARIS : l’insertion par le bénévolat

Quelques patients du Dispositif Ambulatoire de Réhabilitation et d’Inclusion Sociale (DARIS) de Cahors s’étaient aussi mêlés à la foule, dont Julia.

« Je viens de Marseille à la base, mais le Lot c’est une super région, on profite des moments qu’on peut passer ici, » Julia, au DARIS depuis un an et demi, a précisé.

« Pour nous c’est un moyen de faire du lien, de participer à une activité en terre rurale, c’est tout bénéf. »

C’était une autre aventure pour les patients du DARIS, dont une quinzaine avaient intégré les équipes de bénévoles de la transhumance. Deux patients étaient en charge de protéger les troupeaux de brebis avec une corde et de séparer les marcheurs du troupeau, deux autres de fermer la marche et d’alerter l’organisation en cas d’urgence. D’autres avaient pris en charge le stand d’eau pour ravitailler les randonneurs, alors que chaque soir, une autre équipe, dédiée à la restauration, s’occupait du service lors des étapes.

« Ça s’est plutôt bien passé, les patients sont plutôt fiers, pour ceux qui ont marché, d’être allé au bout de l’étape, et d’autres sont très valorisés d’avoir cette place-là sur un tel évènement, » nous a dit Sandy Vincent, une des éducatrices spécialisées du DARIS.

Au-delà de l’évènement, l’intégration des patients avaient plusieurs objectifs : Favoriser l’insertion sociale dans le cadre d’un évènement local, et pour certains, très isolés, créer des interactions en milieu ordinaire et de maintenir leurs capacités cognitives. Le DARIS, qui accueille une quarantaine de patients, s’adresse avant tout à des cas diagnostiqués de schizophrénie et de bipolarité avec la stabilisation comme condition sine qua non pour la réhabilitation.

« Notre objectif ici, c’est de déstigmatiser la maladie psychique, » a-t-elle expliqué, et pour les patients, intégrer une équipe de bénévoles signifie savoir répondre aux besoins d’une association, respecter les consignes et un certain rythme — des compétences qui comptent dans le cadre d’un retour à l’emploi.

« L’atelier bénévolat est une passerelle qui permet de retrouver l’estime de soi, de retrouver de la confiance en soi pour éventuellement avoir un accès à un emploi, » a expliqué Sandy Vincent.

Chaque patient pouvait choisir de suivre ou non toute la transhumance, selon ses envies et ses ambitions. « Ça leur permet d’éprouver leurs limites, » a expliqué l’éducatrice. Et pour l’équipe soignante, de pouvoir élaborer un retour à l’emploi adapté à chacun. « Ça leur permet de se rendre utile, d’être fier d’eux, en plus de développer des capacités d’adaptation transposables en société, » d’après Sandy Vincent.

Fatigués, mais heureux

Le contact avec les nombreux chevaux et attelages d’ânes étaient autant d’occasions pour les résidents de sortir de leur cadre habituel, nous a expliqué Pauline Barrault. Un contact timide, mais crucial pour les résidents du Foyer de Vie, a-t-elle souligné.

« Ça les motive, ça s’inscrit dans une tradition agricole, et c’est quelque chose qu’ils connaissent bien et qu’ils aiment, » a-t-elle expliqué.

Un enthousiasme confirmé par certains résidents du foyer, « fatigués mais heureux. » Et c’est sur les côteaux verdoyant de Bonnecoste, près de Calès, que les marcheurs ont pris un repos bien mérité pour un pique-nique en plein air après quelques heures de marche, pour la première étape du long périple à travers la vallée du Lot.

 « Ça s’est bien passé, il y avait quelques montées où on a un peu galéré parce que les brebis étaient lentes et elles s’arrêtaient toutes les cinq minutes, mais c’était vraiment sympa de marcher dans la nature, » a résumé Julia

C’était aussi l’opportunité, pour elle qui a passé un an en Amérique Latine et traversé la Patagonie, de redécouvrir une nature apaisante.

 « Il y a aussi de très beaux étangs d’eau turquoise, on dirait le Pacifique, » a-t-elle dit, une motivation de plus pour refaire la prochaine transhumance. « On essaie de construire un projet sur le moyen et le long terme, du coup, normalement on continuera l’année prochaine. »