Au lycée Clément Marot, un café éphémère « casse les barrières » du handicap

Un groupe de six élèves en terminale Accompagnement Soins et Services à la Personne au lycée Clément Marot a travaillé sur un projet visant l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Leur initiative, intitulée Handi’licieux a pris la forme d’un café, d’un lieu d’échange, où les jeunes de l’IME « Genyer » ont assuré la préparation, le service, mais pas que.

« Ça nous fait chaud au cœur, même si c’est un peu dur pour nous, » confie Rachel Garrigues-Feller, un peu timide. Cheveux tirés en une queue de cheval impeccable et uniforme blanc, Rachel fait partie des six jeunes de l’Institut Médico-Educatif (IME) « Genyer », établissement médico-social cadurciens de l’Insititut Camille Miret, qui animent le Café Handi’licieux au lycée Clément Marot à l’occasion du 3 avril, journée mondiale de sensibilisation à l’autisme.

La salle de classe, qui sent le café chaud et les pâtisseries à peine sorties du four, est remplie à craquer de lycéens, venus rencontrer ces jeunes en insertion professionnelle. Le public ne fait pas peur à Rachel. « C’est notre chargé de comm’, » nous glisse Stéphanie Campan, éducatrice technique spécialisée en hygiène et développement durable à l’IME, avec une pointe de fierté malicieuse.

Six élèves de terminale en Accompagnement Soins et Services à la Personne (ASSP) se sont inspirés des Cafés Joyeux, une chaîne de cafés-restaurants qui forment et emploient des personnes avec handicap mental et cognitif, pour ce café d’un jour.

Les lycéennes du groupe ont choisi de solliciter l’IME dans le cadre d’un projet d’étude sur le handicap avant de se préparer pour le bac. Leur projet les a amenés à s’associer à six autres jeunes atteints de légères déficiences intellectuelles, dont certains ont des troubles du comportement ou de la personnalité. Après avoir passé la matinée en cuisine pour cuire des gâteaux et mettre en place un buffet, toute l’équipe s’est préparée à accueillir des élèves et des professeurs du lycée pour un temps de rencontre convivial l’après-midi venu.

« Casser les barrières »

Pour Stéphanie Campan et Pascal Mallet, tous deux éducateurs spécialisés à l’IME, ce genre d’initiative est crucial pour l’ouverture de ces jeunes au monde extérieur. « Nous avons été sollicités par cette classe de terminale et nous avons été les premiers à répondre. Nous sommes toujours très réactifs et ouverts, » tient à souligner Stéphanie Campan. « C’est hyper intéressant de pouvoir casser les barrières et que nos jeunes aillent se confronter à d’autres jeunes, à de nouvelles expériences, » se réjouit-elle. Les jeunes de l’IME qui se sont portés volontaires ne sont pas autistes et ils ont déjà eu des expériences en stage, de service de table ou de cuisine, mais ils ont besoin d’être supervisés, admet-elle. « Leur autonomie est assez réduite. »
L’IME Genyer accompagne les enfants et les jeunes adultes de huit ans à la vingtaine souffrant de déficience intellectuelle et de troubles associés. L’institut, qui accueille environ 70 élèves, peut exceptionnellement accueillir des enfants à partir de sept ans mais il faut un agrément, « et c’est assez rare, »  précise Pascal Mallet. « La notion de soin est centrale, » dit-il.

Les plus jeunes ont accès à des enseignants spécialisés, des soins adaptés et un emploi du temps axé autour du sport, de l’autonomie et bien évidemment du temps scolaire. A partir de 14 ans s’ouvrent à eux des stages de découverte, et plus tard des stages en entreprises. « La plupart des personnes choisissaient les personnes âgées ou les enfants, » dit Justine Gibert, une des élèves du groupe de projet, qui se destine à des études d’auxiliaire-puéricultrice. « On a voulu mettre en avant des personnes oubliées. »  Et les jeunes en situation de handicap ou de troubles du comportement comme ceux de l’IME font souvent face aux préjugés qui compliquent leur insertion dans le monde du travail. « Les employeurs ont l’impression qu’ils vont perdre du chiffre d’affaire ou devoir faire des travaux énormes s’ils embauchent des handicapés, » dit Thylia Blot-Painot, qui veut intégrer une école d’infirmière, « alors que ce sont souvent des handicaps invisibles. »

Des employeurs absents

Malheureusement, les efforts des élèves pour démarcher les employeurs locaux de Cahors n’ont pas abouti : Les restaurateurs locaux sont aux abonnés absents ce jour-là. « On a invité des patrons de restaurant mais personne n’est venu, donc on sensibilise les élèves et professeurs du lycée, » dit Thylia Blot-Painot. C’est un succès malgré tout pour Marie Bialas, une des élèves derrière le projet, qui se dit « très contente du résultat. »

Alors que la loi pour l’égalité du droit et des chances de février 2005 stipule que les entreprises de plus de 20 salariées devraient obligatoirement employer 6% de travailleurs handicapés, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap était de 3,5 % dans le secteur privé au début 2023. « C’est compliqué, le handicap fait peur, » dit Pascal Mallet.

A terme, le but de l’équipe est de trouver un travail pour ces jeunes, soit en « milieu protégé » pour les cas les plus difficiles ; soit en « milieu ordinaire, » dans une entreprise classique. L’institut travaille avec un réseau constitué depuis de nombreuses années, mais trouver de nouveaux partenaires pour des stages ou des CDI s’avère de plus en plus difficile. Les éducateurs admettent qu’ils ne peuvent pas demander aux entreprises de prendre des jeunes en situation de handicap sans former les employeurs. Les entreprises pourraient accueillir des référents spécialisés pour faciliter ce lien, mais le milieu médico-social souffre d’une pénurie de professionnels.

« Ces jeunes sont très fatigables et très sensibles à la façon dont on s’adresse à eux, ce n’est pas de leur faute mais les employeurs n’ont pas forcément tous les codes, «  explique Pascal Mallet. La société a encore du chemin à faire pour accueillir ces jeunes, d’après les éducateurs. « Il faudrait commencer à accueillir ces jeunes dans les classes maternelles, «  dit Pascal Mallet. Stéphanie Campan acquiesce.

« Il faudrait travailler la tolérance, la bienveillance et l’empathie dans les relations dès le plus jeune âge, «  ajoute-elle, en prenant la «  bonne ambiance  » de la journée comme exemple. « Les filles qui nous reçoivent sont très bienveillantes et les jeunes le sentent. «