La sociothérapie est un dispositif indispensable

À l’Institut Camille Miret, Emmanuel Scicluna, cadre supérieur de santé, est en charge de la sociothérapie, un dispositif au cœur du parcours de santé du patient. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec lui pour en savoir plus sur ce soin à la croisée des dispositifs médicaux prodigués par l’établissement. (1ère partie)

Tout d’abord, en quoi consiste la sociothérapie?

Commençons par la définition de ce que pourrait être la visée de la sociothérapie pour en arriver finalement à la question de savoir comment cela prend sens dans le parcours du patient et dans son projet de soins personnalisés.

La sociothérapie, est un dispositif transversal pluridisciplinaire – ce terme de pluriprofessionnel est utilisé car plusieurs professions différentes sont présentes dans ce dispositif. Ici, à l’ICM, nous avons une éducatrice à temps plein et une ergothérapeute à temps plein, un psychomotricien à temps partiel. Certes, nous aimerions qu’au sein de notre organisation nous puissions bénéficier d’un temps plus long de psychomotricien car il apporte énormément aux patients, tout comme les autres intervenants, mais sur un temps moindre.

Au sein de l’équipe, nous comptons également une art-thérapeute à mi-temps et une enseignante en sport adapté à mi-temps.

L’un des objectifs de la sociothérapie est la consolidation et la stabilisation de l’état psychique du patient, hospitalisé à temps plein, en secteur adulte. C’est un soin qui n’est ni médicamenteux ni psychothérapeutique, mais qui est élaboré pour instaurer et approfondir la relation avec l’autre.

Il s’agit d’une “ aire transitionnelle”, aire intermédiaire d’expérience, c’est-à-dire entre le soin médicamenteux et le soin psychothérapeutique. C’est l’accompagnement du lien.

L’intérêt de ce dispositif est l’utilisation de médiateurs qui représentent la tierce partie entre le soignant et le patient. C’est plutôt une relation soignant-soigné, comprenant, au centre, le médiateur. Pour parvenir à créer cette relation, nous pouvons utiliser plusieurs outils d’approche : la terre pour la poterie, le conte pour l’imaginaire ou la bande dessinée pour retracer l’histoire de vie du patient…

Il y a un nombre infini de possibilités qui permettent d’amener la parole autrement que par un entretien en face à face qui a lui aussi son utilité mais dans un autre contexte.

Ici, l’intérêt est la présence d’un média. Nous allons choisir un objet et à partir de celui-ci mettre en place une rencontre thérapeutique. C’est aussi pour cela que le média est crucial – mais au fond c’est une excuse. (sourires) L’objet va simplement permettre d’instaurer cette relation entre le patient et le soignant. L’utilisation de cet outil est essentielle car lorsqu’on est patient, on n’a pas forcément envie de livrer quelque chose qui relèverait de l’intime, de sa propre existence ou de ses traumas. Finalement, l’objet permet d’être neutre dans l’entretien. Par exemple, pour ceux qui ont développé un sentiment de persécution, ce sentiment va se diriger vers l’objet et lui permettre de mieux canaliser son agressivité.

C’est un dispositif indispensable qui durant des années n’existait pas à l’ICM alors qu’une partie de la thérapie institutionnelle se base sur ce concept. Lorsque la Direction Générale, la direction de pôle et de la direction médicale ont validé ce projet, nous n’avons eu aucune difficulté à en travailler le périmètre, les objectifs et l’organisation. Nous étions enchantés de pouvoir travailler sur cette approche.

Est-ce que les patients viennent ici d’eux-mêmes ou travaillez-vous de concert avec d’autres équipes qui vous disent qu’il serait intéressant de travailler avec ce patient, de cette manière?

On part obligatoirement du patient et de la clinique du sujet. En fonction de l’identification des besoins, on va préciser une prise en charge dans ce dispositif particulier. L’art thérapeute propose une approche, l’ergothérapeute propose une idée complémentaire, l’éducatrice propose également l’outil qu’elle juge adéquate. En fonction de ce que chaque professionnel propose, des médias sont choisis en prenant en compte les envies du patient, ce qu’il aime, ce qu’il maîtrise, sinon cela n’a pas de sens. Le but n’étant pas de le mettre en difficulté mais de lui redonner confiance. À partir de cette analyse, le médecin va indiquer le meilleur chemin pour le patient : soit vers l’art thérapeute, l’ergothérapeute, ou le psychomotricien.

Quel que soit le média choisi, ce choix se fera toujours à partir d’une indication médicale et d’une prescription. Dans ce choix, il y a toujours une visée thérapeutique.

Et comment se fait le choix des professionnels qui accompagnent le patient ?

Lorsqu’une demande est émise, un ou deux soignants, qui font obligatoirement partie du dispositif de sociothérapie, vont se rendre auprès du patient pour le diriger soit vers le niveau psycho-corporel ou psychomoteur, voire vers les sports adaptés. Si cette démarche est faite dans le cadre d’une pathologie d’un patient souffrant par exemple d’une schizophrénie ou d’une dissociation, l’idée sera plus de canaliser son état psychique à travers une activité, mais ce ne sera pas l’occupationnel.

Quelle est la tranche d’âge des patients que vous accueillez ?

Nos patients ont entre 18 et 70 ans, parfois 80 car l’ICM assure aussi la psychiatrie du sujet âgé. Dans ce cas, les patients peuvent bénéficier de l’accompagnement de l’équipe pluriprofessionnelle et en même temps du dispositif des personnes âgées.

Comment évalue-t-on concrètement les résultats de cet accompagnement ?

Cette question est tout à fait pertinente car pendant longtemps, en psychiatrie, l’évaluation ne se faisait pas. Désormais, on évalue cet accompagnement au fil des jours et des semaines.

Il faut bien comprendre que ce dispositif est inclus dans tous les autres dispositifs : ce n’est pas exclusivement ce dispositif qui va permettre de stabiliser l’état psychique du patient et ce n’est pas uniquement le soin médicamenteux qui va permettre au patient d’aller mieux. Il faut s’imaginer une organisation à l’image d’un puzzle : plus le patient va bénéficier du dispositif de sociothérapie, moins il aura, éventuellement, besoin d’un traitement médicamenteux et plus il va s’apaiser. On ne traite pas directement et exclusivement les idées délirantes ou les hallucinations par l’unique dispositif de sociothérapie. C’est une osmose qui se créé. On voit clairement à quel point c’est là une aide inestimable dans le soin psychique des personnes. Et l’on se rend vraiment compte des bienfaits et des évolutions lors des allers-retours des patients. Dans ces contacts permanents, le patient peut aussi, à un moment donné, exprimer des choses.

Concrètement, le patient peut se rendre directement dans le service de sociothérapie. Le professionnel de ce dispositif peut aussi se rendre dans les services, sur site ou à l’extérieur puisqu’on travaille sur le social, la restauration des relations, des communications interpersonnelles, des capacités relationnelles et cognitives. Le cadre thérapeutique est donc à l’intérieur et à l’extérieur du périmètre de vie du patient. C’est symboliquement important, car il faut parvenir à faire comprendre au patient qu’il y a une continuité entre intérieur et l’extérieur, et que l’hôpital n’est qu’un temps dans ce parcours de vie.

Le patient en sortira et c’est heureux.

Journée de découverte du dispositif de sociothérapie

Le lundi 15 septembre les professionnels du service de sociothérapie ont accueilli leurs collègues de l’ICM et leur ont fait découvrir leur travail, notamment les ateliers thérapeutiques proposés aux patients.

Sous la houlette du Docteur Manouelian, d’Emmanuel Scicluna, cadre supérieur de santé et de Gittel Bakangadio, cadre de santé, le service se compose :

  • d’une arthérapeute ( Fanny Arnal-Anger)
  • d’une ergothérapeute (Valérie Capelle)
  • d’une enseignante en activités physiques adaptées (Florine Doucet)
  • d’une éducatrice spécialisée (Nathalie Lasbories)
  • d’un psychomotricien (Julien Vigouroux)

 

L’équipe a pu expliquer dans quelle démarche elle intervenait:

  • uniquement sur prescription médicale
  • dans les locaux de la sociothérapie, dans les unités, dans la Cité, ou encore au domicile du patient.

Et chaque professionnel a expliqué quel type de médiation il/elle proposait:

  • pour Fanny, arthérapeute : le dessin, la peintre, le collage, l’écriture, le masque, la marionnette, le modelage …
  • pour Valérie, ergothérapeute : les activités manuelles comme la couture, la mosaïque, le macramé, des jeux de société, des ateliers écriture ou remue-méninges …
  • pour Florine, enseignante en activité physiques adaptées : la pratique collective d’un sport (basket, ultimate, football …), la remise en forme (fitness, entretien corporel), le réentraînement à l’effort et la remise en forme (renforcement musculaire, travail de la capacité cardiovasculaire), l’accompagnement et l’orientation vers une pratique autonome (en club ou dans une association…)
  • pour Nathalie, éducatrice spécialisée : la remobilisation corporelle, la stimulation douce à la marche, le réentraînement à l’effort, la détente et le lâcher-prise (séances de sophrologie, de relaxation), des activités socialisantes à thèmes
  • pour Julien, psychomotricien: la médiation corporelle dynamique et relaxante, favoriser la parole et l’écoute, les relaxations classiques type Schultz et Jacobson, la gestion du stress.

 

Un moment d’échanges et de découverte grandement apprécié par les professionnels qui s’étaient déplacés ce jour-là. Une belle réussite!