23.10.2025
Mon ambition c’est de faire de la MAS un établissement d’excellence
La Maison d’Accueil Spécialisée de Leyme est une structure cruciale au sein de l’Institut Camille Miret pour les résidents au handicap lourd, qui ont besoin d’une aide humaine et technique permanente, proche et individualisée. Anne A’Campo, la directrice de la MAS, a pris le temps d’évoquer avec nous sa carrière et sa vision du métier. (3ème partie)

Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce métier et à travailler dans cette MAS?
Ma formation initiale est celle d’orthophoniste mais je me suis rapidement ennuyée. Ce qui m’intéressait, c’était la direction d’établissements.
Dans mes tous premiers objectifs, j’envisageais de diriger des établissements médicaux sociaux, de type Ehpad privée, en ayant à l’esprit à l’époque, que la personne était un client, au sens noble du terme et que le terme d’usager correspondait à une approche différente.
J’ai alors dirigé des EHPAD privés et participé au développement d’établissements pilotes. Cette démarche m’a réellement intéressée. Après une brève parenthèse familiale, dans un secteur d’activité totalement différent, j’ai senti au fond de moi que je me trompais de voie : je voulais retourner dans le médico-social.
J’ai commencé par être chef de service, puis je me suis alors orientée vers des structures qui rencontraient des difficultés de toutes sortes, et là, j’ai découvert une vraie passion, de celle qui permet de sortir de toute routine et d’aborder la question de la personne sous un angle différent en étant guidée par une seule question : ” Qu’est-ce que je peux faire pour vous, pour que votre vie soit meilleure ?” et en considérant que tous les choix sont possibles.
C’est osé, mais en même temps, cela permet de sortir des sentiers battus et des contraintes que l’on se met parfois tout seul.
J’ai l’impression que la notion de difficulté vous porte.
Oui, je trouve cela passionnant. Et je pense que pour un directeur, il faut savoir se projeter sur une durée suffisamment longue pour porter un projet (d’établissement ou autre), dans son intégralité, de sa conception à sa mise en place.
On vient souvent avec une vision personnelle, avec notre passé professionnel, avec notre personnalité. Il faut néanmoins accepter que cette vision évolue car elle rencontre un établissement dont les professionnels ont leur propre vision, leur propre histoire. En fait, on ne connait pas l’établissement dans lequel on va exercer des fonctions de direction tant qu’on ne l’a pas vu. Il y a la théorie et la pratique. Cela apprend l’écoute et l’humilité. C’est surtout un apprentissage réciproque.
Pour moi, la direction d’établissement fonctionne également comme un cycle. On dit souvent que la durée moyenne de vie professionnelle d’un directeur à la tête d’une structure se mesure sur le temps du projet d’établissement, entre 4 et 7 ans. Mais ce n’est pas une vérité immuable. Juste un constat. Aujourd’hui, les directeurs qui restent 15 ans à la même place sont de plus en plus rares pour de nombreuses raisons : les contraintes fortes, les envies de changer de région ou de secteur, la vie familiale qui évolue, le sentiment que l’on est arrivé soi-même au bout d’un cycle.
À quel point pensez-vous que le changement soit possible dans une structure aussi vaste que l’Institut Camille Miret ?
Je suis trop récente à l’Institut Camille Miret pour mesurer le niveau de changement à l’échelle de l’institution elle-même.
Personnellement, je suis très confiante dans la capacité de l’Institut Camille Miret et plus particulièrement de la Mas du Hameau des Sources à aborder les évolutions permanentes de son secteur d’activité avec sérénité.
Notre ambition est simple car je la partage avec la direction générale : faire de la MAS un établissement ressource, un établissement d’excellence au-delà de nos difficultés. La question du recrutement ne peut obérer la qualité de notre travail.
Je pense que la difficulté se pose plus singulièrement du point de vue de la transmission de l’information. Dans un institut de cette taille, les informations qui nous échappent ou qui sont interprétées peuvent engendrer des maladresses voire de l’incompréhension. C’est un travail auquel nous nous consacrons.
Et quelle serait la solution ?
Je pense qu’il nous faut continuer à décloisonner le sanitaire et le médico-social alors que ce cloisonnement est historique. La multitude des structures est un des facteurs de ce cloisonnement, le mode de fonctionnement historique en est un autre. On ne peut travailler à ce décloisonnement si l’on n’a pas la lucidité de ce fonctionnement sans pour autant qu’il y ait le moindre jugement de valeur.
Si, nous prenons l’exemple de la question de la liberté d’aller et venir, nous avons besoin de nous améliorer et de nous questionner systématiquement à chaque fois que l’on limite une personne dans ses droits fondamentaux, dont celui d’aller et venir à sa guise dans la structure qui l’accueille. En disant cela, j’entends parfaitement la question de la protection de la personne placée sous notre responsabilité. C’est une véritable question éthique qui doit aboutir à une décision de direction.
Je livre un autre exemple, celui de l’argent en poche, dont je trouve le terme infantilisant même s’il est légal et largement usité dans le monde des tutelles. Concernant cet argent de poche, il y a des dépenses que le résident ne devrait pas avoir à justifier. Si un majeur sous protection envisage une dépense importante, le tuteur va et doit l’aider à prendre une décision. Mais s’il achète du tabac ou autre, cela doit rester de sa décision propre.
Et ce n’est pas parce qu’on n’est pas communicant, au sens courant du terme, qu’on n’est pas capable de prendre ses propres décisions et d’être responsable de ses choix. Cela semble anodin et pourtant c’est une question profondément citoyenne.
La MAS, est à ce titre un excellent lieu de réflexion pour réfléchir à toutes ces questions sur l’humanité et sur nos droits fondamentaux. Notre mission, au-delà de la compétence technique, c’est de rendre au résident son humanité, de lui rendre ses droits, tout en le préservant. Ce n’est pas toujours une équation facile car le résident peut s’exposer à un risque. Or, priver ou préserver quelqu’un de toute forme de risque, c’est lui nier sa part de liberté. Je parle bien de risque et de décision, pas de mise en danger. La nuance est très importante.
Un dernier exemple : en soit, ce n’est pas grave de décider d’aller boire un verre de vin. Mais si la personne prend des médicaments qui font que l’exposer à de l’alcool (aussi minime soit-il) va la rendre peut-être malade, en raison d’éventuelles interactions, là on doit faire quelque chose et au minimum l’informer des risques pour prendre une décision éclairée.
C’est aussi cela qui rend aussi nos métiers passionnants : l’apprentissage d’une liberté éclairée.